Dans l'univers 0.T.A, chaque paire de baskets incarne l'appel du road-trip et de l'aventure, arborant les coordonnées GPS d'endroits insolites et méconnus. Que ce lieu se trouve à proximité ou à des milliers de kilomètres, il incarne toujours l'exploration.
Depuis nos premiers pas sur cette route, nous avons eu la chance de collaborer avec Vanessa Martin, une créatrice de contenus rédactionnels et photographiques, qui rédige nos road-trips. Une aventurière en quête de découverte, avec l’envie de vivre, contempler, partager sur son blog Cash Pistache. Elle sait donner vie aux expériences uniques que nous partageons, capturant la magie des road-trips que nous avons vécus et que nous souhaitons vous transmettre ici. C'est pourquoi nous avons choisi de prolonger cette collaboration en nous plongeant en immersion dans l'un de ses voyages.
Lors de son dernier road-trip en Norvège, Vanessa a accepté de prêter son talent à notre marque en prenant en photo son voyage, qu’elle a vécu avec nos baskets O.T.A aux pieds. Elle s’est prêtée au jeu avec sa partenaire de voyage Into The Wild. Nous vous présentons le fruit de cette aventure visuelle.
Je regardais passer les parapluies devant la vitrine de la laverie. Bleu, parme, vert... Je m'accrochais à ces tâches de couleur qui sautillaient sur une horizontale invisible. Il pleuvait depuis plusieurs jours à Paris et chacun poursuivait son hyperactivité affolante, s’efforçant de faire abstraction de la morosité générale. C'était pourtant la veille du week-end mais j'avais l'impression d'être tous les jours lundi.
Je remontai ma bassine de linge en pestant dans les escaliers trop sombres de l'immeuble et me plantai devant Jérem.
Assis inconfortablement sur l'accoudoir du canapé défraîchi, il était totalement absorbé par son téléphone. Apparemment plongé dans la rédaction d'un mail urgent pour le boulot, il ne me prêta aucune attention. En deux pas, j'étais devant le placard, saisissant mon sac de yoga pour y fourrer un pull et une brosse à dent. Dans nos 23m² ridiculement agencés d'une seule pièce à tout faire, Jérémy me scruta, effrayé, détaillant mon air déterminé et ma valise bouclée. |
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J'avais pris ma décision quelques minutes plus tôt en humant l'effluve du linge propre. Je manquais d'air à Paris. La météo exécrable nous empêchait de vivre et pourtant le temps continuait de filer. J'avais envie de prendre la route, de mettre les essuies-glace et le chauffage à fond dans la vieille 205 pour effacer ma mélancolie. Mon grand brun avait compris, notant mon sourire en coin. L'idée n'était pas de se ruiner en hôtel et activités. Je voulais juste me laisser porter, déconstruire le quotidien, profiter des choses simples. |
On passerait la nuit chez Mamie Yvette à moins d'une heure de Paris. Entre la cuisine en formica et le salon à la tapisserie fleurie, ce serait un samedi hors du temps. Je pouvais déjà sentir l'odeur indescriptible des radiateurs en fonte et entendre leurs cliquetis qui m'évoquaient un voilier dans la tourmente. Si l'on s'y appuyait par mégarde en pleine chauffe, c'était le cri de surprise assuré. Ma grand-mère s'en amusait
« C'est pour te rappeler que tu es vivante ma chérie ».
Après avoir bravé les intempéries sans se presser, nous arrivâmes devant la porte du garage en lambris chêne doré. Jérémy m'embrassa tendrement. L'averse avait cessée mais on restait gentiment enlacés dans la Peugeot comme des petits vieux fatigués. C'était bon de ne rien faire dans le silence de nos respirations apaisées. |
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22° 19’ 42’’ N 103° 49’ 40’’ E
Les coups de klaxon ne s'arrêtent jamais. Dans l'espoir de faire une sieste, j'y cherche depuis 1/2h une mélodie, quelque chose de régulier qui me bercerait. En vain. C'est juste anarchique et j'avoue que je rêve d'un peu de calme. J'écarte le tissu à fleurs décoloré par le soleil juste noué en quelques points à une vieille tringle. Mon petit balcon domine une partie de la ville. Sur la vitre, un filet d'eau s’écoule inlassablement. Cela vient des climatiseurs qui tournent sans répit.
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Les derniers rayons frôlent quelques immeubles tandis que les scooters sont toujours en effervescence. Pierre n'a pas pu m'héberger, il s'est installé depuis quelques mois près du Lac Hoan Kiem. Il vit dans ce que l'on appellerait à Paris un placard à balai. Ici au Vietnam, une famille et toute sa descendance pourrait y tenir. Aussi, j'ai préféré me louer une chambre dans une guesthouse bien typique où l'on ne parle même pas anglais. « Tạm biệt Miss Dang ! » La petite dame me répond d'un large sourire édenté en s'empressant de venir m'ouvrir la porte. Sur le palier, je perçois comme une violente claque le vacarme nocturne de Hanoï. |
Pierre m'attend au café juste en face, il me fait un signe amical de la main. Mais traverser la rue est une véritable épreuve, je suis loin de comprendre comment survivre au va-et-vient bordélique des deux roues. L'autre soir, un ami de Pierre m'a dit que lorsque l'on s’élançait, il ne fallait surtout pas changer de rythme
ou faire demi-tour. « Ce n'est pas à toi d'éviter les scooters, ce sont eux qui te contournent. » Figé sur le trottoir, je m'offre quelques secondes de réflexion avant de confier ma vie en de parfaits inconnus. D'ici quelques minutes, nous serons à bord du train hors d'âge qui relie la région de Sapa. Pierre me lance un regard plein de malice « L'aventure nous attend ! »
Et ce n'est pas peu dire, notre train de nuit ne comporte pas de wagon couchette. Je me mets à regretter âprement la literie vieillissante de Madame Dang en cognant aux moindres secousses mon épaule meurtrie sur le bois des banquettes. Chaque fois que mon corps se détend un chouia, c'est un nouvel arrêt pour laisser monter des passagers. Et alors, le chef de gare se prend pour un virtuose et sonne sa cloche à tout va.
6h : la délivrance arrive à l'heure du petit déj' vietnamien, la soupe Pho se dégustera par terre sans aucune retenue, bien heureux de ne plus être bringuebalés dans tous les sens. Le jour se lève sur les montagnes verdoyantes, nous sommes au dessus de la vallée de Muong Hoa. Les touristes viennent ici faire de grandes randonnées au milieu de paysages encore préservés. On ne vient pas pour se surpasser, les sommets on les laisse aux autres. On veut juste rompre avec l'hystérie de Hanoï.
Des hommes et des femmes en habits traditionnels colorés s'activent autour de leurs étals. Notre contact à Sa Pa vient vers nous l'air jovial. Nous sommes les seuls européens du marché, pas bien compliqué de nous repérer. C'est un jeune garçon d'une vingtaine d'année à la musculature bien marquée. Ses mains ne trompent pas, rugueuses et larges, Quyen travaille la terre avec sa famille du côté de San Sa Ho.
Quelques heures plus tard, on découvre le petit village d'agriculteurs accroché au dessus des rizières. Au milieu de tout ce vert, les grandes huttes au toit de chaume se rassemblent comme un bouquet de champignons. Cette nature façonnée par l'homme ne laisse aucune place aux imperfections. Les courbes des champs se suivent avec une régularité surréaliste.
Soudain, l'odeur de rôtisserie réveille mon estomac. De la fumée sort par tous les côtés d'une des cabanes de bois. Comme souvent dans les ethnies reculées, le foyer n'a pas de conduit d'évacuation et l'on cuit la viande en s'asphyxiant. C'est un repas festif donné à l'occasion de notre arrivée, je me fais un plaisir d'honorer l'invitation.
Pierre a tout du citadin et a quelque peu du mal à apprécier la compagnie des cochons autour de la natte qui nous sert de table. Mais ils sont vite dispersés par l'intrusion de la moitié du village qui vient nous saluer. Ou plutôt nous observer, les enfants nous épient en riant et en se chahutant. Nous sommes des bêtes de foire et l'on se prête au jeu en grimaçant et en exagérant nos gestes pour tenter de communiquer.
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50° 37’ 28’’ N 99° 27’ 54’’ W
C'est drôle, j'ai toujours cru que le froid était plus supportable que le chaud. C'est vrai quoi, quand j'essaye de lézarder sur un sofa en été, j'ai beau siroter une boisson fraîche et bouger le moins possible, je tiens pas. Avant le Canada, je me disais « tu te couvres bien, c'est la clé. Je fais du ski en hiver, je connais ». Et puis le truc des 3 couches superposées, tu sais, la fameuse astuce que tous les sportifs nous rappellent avec ton moralisateur... J'ai même entendu parler de technique de l'oignon. Bon. Bah à croire qu'on m'avait lavé le cerveau quand j'étais étudiant à Winnipeg. Surtout pendant ce week-end là dans la « cabin » d'un ami canadien car je crois que je n'ai jamais eu aussi froid de toute ma vie.
La veille du départ, j'aurais dû me méfier. Le vent du nord-ouest soufflait fort et la neige soulevée donnait une impression de brouillard cotonneux. Les rues de la ville avaient été délaissées pour la douceur du foyer. Et c'est une route déserte que nous empruntions le samedi matin. Entre les mélèzes sans âge couverts de blanc, la seule empreinte humaine encore visible était ce ruban noir sur lequel nous roulions. Les centaines de milliers de lacs de cette province étaient aussi effacées du paysage. Comme d'un coup de baguette magique, la toundra verte et les étendues d'eau ne formaient qu'un tout immaculé. On pouvait apercevoir au loin un groupe de caribous sans problème dans ce tableau minimaliste. |
En approchant de Kelwood, le sol se confondait avec le ciel, la glace devenait reine et dans la voiture je me crispais sur l’accoudoir en espérant ne pas finir à pied au milieu de rien. C'est qu'à tout moment, tu te trouvais peut-être sur l'eau par ici, comment savoir ? Mais l'avantage de ce froid glacial, c'était l'épaisseur gelée dure comme le marbre, avant de passer au travers, fallait y aller !
D'ailleurs, après avoir posé nos bagages dans la maison de vacances de Mathieu, la troupe d'étudiants écervelés que nous étions s'était précipitée sur le vaste lac près de notre refuge. Les rayons traversaient les arbres, apaisant l'air piquant.
Mat venait là petit et il nous vantait depuis des semaines une partie de hockey sur glace entre potes. Ça nous avait transporté cette idée, et même je crois bien que j'avais tenu la tension des exams à l'Université juste grâce à cette vision de moi en train de shooter dans le palet en pleine nature.
La réalité était tout autre. Il avait fallu déneiger vigoureusement le sol pour sortir les patins. Et quand on s’élançait, on pouvait apprécier toutes les irrégularités malfaisantes de la surface givrée. Pour le coup, on pouvait vraiment utiliser l'expression « véritable patinoire ». A la fois glissant et casse-gueule à souhait. |
Deux vieux nous observaient d'un air moqueur. Ils surveillaient nos tentatives rocambolesques pour rester debout depuis une minuscule cabane posée sur la glace. Je m'approchais intrigué. Quelle fut ma surprise de voir un trou dans le sol au cœur de cet abri de fortune. Les gars étaient en train de pécher. Une activité qui me laissait dubitatif avec de telles températures. Les planches n'empêchaient pas de mourir gelé mais elles cassaient un peu le vent pénétrant.
Alors, je restais là, à leur arracher quelques anecdotes et de larges sourires. C'est que je faisais peine en baskets sur le lac, je ne me fondais pas vraiment dans le paysage local. Et je n'étais pas le seul dans le groupe. Charlène avait ce jean à la mode assez court pour qu'on voit les chevilles et de petites soquettes pailletées. On supposait à son nez rouge et ses lèvres bleuies qu'elle regrettait ce choix. En suivant mon regard fixé sur ses pieds, nous avions tous explosé de rire.
Tout cela nous avait ouvert l'appétit. Et c'est rempli d'enthousiasme que nous avions expérimenté un barbecue sous -40°. Trouver du petit bois avec les monticules de poudreuse était du domaine de l'impossible. Tout autant que d'obtenir la moindre flamme, le froid intense étouffait le plus petit départ. Même le masque de ski que je portais pour conserver une partie de mon visage encore mouvante, avait gelé, ne me laissant qu'entrevoir nos efforts inutiles pour lancer le feu. Nous nous frottions à une nature hostile face à laquelle nous n'étions pas du tout préparés. |
Heureusement, loin de tout scénario catastrophe, le centre ville à deux pas, offrait un café typique à tous les downtowns paumés d'Amérique. On allait profiter d'un repas chaud, plus appétissant que des saucisses au micro-ondes.
C'était une bicoque aussi vintage que ringarde mais qui ne jurait en rien avec ses occupants. Le lambris au plafond et le comptoir jaunissant se mariait parfaitement au blouson taché de gras du balaise de l'entrée. Nous étions hors de notre zone de confort, comblés de toutes ces péripéties sans grandes conséquences mais tellement exaltantes. Alors, je ne vous raconte pas notre joie quand nous avions découvert le club de curling attenant au restaurant. Encore une occasion de perdre nos doigts déjà frigorifiés mais toujours avec la même bonne humeur. A la nuit tombée, comme pour célébrer le ciel s'était mis à danser dans un vert extravagant. |
Les souvenirs de ce week-end sont si vifs, comme marqués en moi à l'azote. Ce froid mordant, c'était quelque chose... Nous avons quand même attendu le printemps pour revenir pêcher ici.
KELWOOD - 50° 37’ 28’’ N 99° 27’ 54’’ W
C'est l'histoire d'un week-end de déconnexion, de quatre potes qui ne prennent plus le temps de vivre. Ce sont aussi mes souvenirs de ce road trip improvisé autour de Glencoe fuyant la routine, jouant sur les imprévus. Une épopée fugace mais nécessaire.
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56° 40’ 58’’ N – 5° 06’ 35’’ W
On s'y est pris à la dernière minute. Mathias, mon coloc, a jeté trois tee-shirts et un gros pull en laine dans un sac et m'a dit « on se casse, je manque d'air ici ». L'idée était venue autour d'un e-apéro déjanté avec le reste des potes. Ça faisait des mois qu'on bossait tous comme des robots. Enfin, sauf Etienne qui n'avait plus de taff. Et même notre vie sociale restait cantonnée derrière des écrans. « T'as pensé à Etienne ? On l'embarque quoiqu'il en dise ! ». C’était limpide pour nous tous, personne ne restait sur le carreau.
Aussi, on débarquait à Glasgow, la fleur au fusil. Me demandez pas pourquoi Glasgow... peut être l'envie de plonger dans les décors dark city de nos vieux jeux vidéos ou de goûter à l'ambiance toute britannique des quartiers branchés.
Étienne n'a pas le moral, on se concerte et on repousse la soirée beuverie, ça serait trop routinier. D'abord, on ira voir la mer. Totalement à l'arrache, on se lance sur la route. La petite troupe bruyante que l'on forme s'apaise au fil des minutes en contemplant les étendues immenses qui font des bandes de couleurs uniformes, chacun se perdant dans le vague. Je sens mes muscles se détendre, comme si ça faisait des semaines que je bloquais tout ça de peur de perdre le contrôle.
Les landes filent par les fenêtres de la voiture et les montagnes qui surgissent de cette platitude nous font marquer des pauses contemplatives où nous n’échangeons plus que quelques onomatopées. Un vaste lac ouvre le sol comme un miroir du ciel devant nous. Mathias tente un ricochet qui ne fait qu'altérer cette perfection quelques secondes comme pour mieux la révéler. Une petite compétition s'improvise dans des éclats de voix hilares.
En fin d'après-midi, en longeant les rives du Loch Leven, nous tombons sur un petit village de pêcheurs. C'est franchement désertique comparé à Glasgow et on se met à regretter de s'être aventuré si loin à cette heure tardive. La recherche infructueuse d'un bed & breakfast pour la nuit casse progressivement le bon mood dans lequel nous nous étions laissés emporter.
Antoine et Étienne évoquent les sièges matelassés de la voiture, Mathias imagine une toile de tente tandis que je songe à l'humidité et au froid pénétrant. Quoiqu'il en soit, la faim se fait sentir et le seul commerce encore ouvert est une sorte de road house écossais dans son jus. |
Le burger et la pinte de Tennent’s viennent effacer toutes nos réflexions négatives. Cet endroit apparaît, en fin de compte, hors du commun. Le restaurant oscille entre disquaire intemporel et vieille librairie, entre épicerie fine et pub rustique. J'ai un peu l'impression d'être dans le bar Titty Twister du film Une nuit en Enfer et je m'attends à voir surgir une vampire sexy à tout moment. En fait, c'est un peu le lieu de rendez-vous des gens du coin où chacun vient comme il est, sans fioriture.
Quelques cordes frottées par un de ces gars barbus caricaturaux et c'est toute la salle qui vibre au son rock. Étienne ne se fait pas prier pour attraper un tabouret qui fait office de percussions. On rit, on boit, on s'étonne de cette complicité sortie de nulle part avec les habitués. Plus encore de ces jeunes qui nous offrent l'hospitalité à 2 heures du mat.
La nuit courte n'aura pas eu raison de notre motivation, on reprend notre road trip autour de Glencoe, guidés par nos hôtes qui nous emmènent découvrir les merveilles naturelles de cette région. Plus tard, sur le retour vers Glasgow, nos yeux se ferment tous seuls mais nos têtes sont pleines d'aventures, prêtent à revivre mille fois cette épopée en rêve.
Glencoe 56’’ 40’ 58’’ N – 5° 06’ 35’’ W
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Tout va trop vite, la vie file et le besoin de faire un break se fait sentir. Flirter avec l'aventure à bord de la vieille voiture des parents. Et le temps d'un week-end, croiser le chemin d'un surfer du coin et se perdre dans les Landes, pour se trouver soi-même.
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43° 50' 08'' N - 1° 23' 47'' W
J’avais récupéré la vieille berline de mon père, celle qu’il ne sortait jamais de peur de tomber en panne et de devoir se lancer dans des théories mécaniques insurmontables. Les ressorts des sièges grinçaient et ça sentait bon le vieux cuir. Ce jour-là, je prenais la route tout droit vers l’océan. Ces derniers temps, la vie semblait filer. Sans moi.
Après plusieurs bornes et quelques sursauts d’angoisse en entendant le moteur de la caisse hoqueter bruyamment, j’arrive dans les Landes, ma terre promise. La nature est étonnante par ici, sur de vastes étendues plates, des arbres sont piqués là, par petits attroupements comme enclins à rester groupés quoiqu’il arrive.
Plus loin, je longe une forêt insondable. J’approche du but.
Le sable apparaît sur les bas-côtés, envahissant. Je me gare sur une esplanade désertique non loin des dunes qui bouchent la vue. Y a une ancienne station essence désaffectée aux couleurs fanées par le soleil et le sel.
En cette saison, y a pas âme qui vive, on se croirait dans un de ces films allemands aux teintes grises et aux costumes trop sérieux.
Je débarque sur une plage vaste mais déjà chargée malgré la saison. Beaucoup de monde. Des minots se chamaillent devant leurs parents exaspérés, un chien vient s’ébrouer à côté de moi en aboyant sur un bout de bois inoffensif. Ça court, ça crie et les postes de radio brayent des musiques qui s’emmêlent.
Je tends l’oreille pour capter le son du ressac.
Bah l’océan attendra. Il est tard, j’ai faim. Je continue et atteins quelques bicoques qui somnolent près de l’eau. C’est sommaire mais assez exotique, les murs en bois bariolés de motifs colorés sont ornés de quelques surfs. J’y trouverai de quoi me sustenter.
Plus tard, j’entre dans un bar, rescapé de la saison estivale. L’intérieur est tout en bambou et les spots verts diffusent une ambiance surréaliste en contraste au néon rose bonbon Aloha. Je remarque dans un coin un type un peu différent des quatre gamins venus siffler un mojito. Il est assis seul à une table avec juste un drôle de chien hirsute tapi à ses pieds.
Ces deux-là rivalisent de no style. La cinquantaine, les yeux bleus et quelques mèches blondes en bataille qui s’échappent de sa casquette élimée. Je lui offre une de ces canettes de bière qui garnissent déjà sa table et me joins à lui. J’apprends qu’il vit dans les Landes depuis son plus jeune âge et qu’il n’a jamais quitté la Côte.
Il a bourlingué du Nord au Sud sans jamais perdre l’eau de vue. De petits boulots saisonniers en bonheurs simples, il n’a cessé de se ressourcer dans ces terres sauvages.
La picole le rend poétique et fort sympathique mais je ne reconnais pas l’aspect exaltant qu’il évoque. En creusant un peu, j’apprends qu’il existe un trésor au milieu des dunes. Une plage sans nom car méconnue de la plupart, seuls certains locaux se garderaient le secret du lieu.
Mais dans les vapeurs d’alcool, je ne suis plus certain que tout cela ait un sens. Je rentre d’un pas hésitant et m’écrase sur le similicuir glacé de la rassurante Volvo des parents.
Arraché de ma courte nuit par les premiers rayons de soleil qui percent au travers des vitres embuées, les souvenirs grandiloquents de cette rencontre improbable refont surface.
Je me rends à l’endroit qu’il m’a vaguement indiqué. C’est une zone de no man’s land. Au bout, une forêt. J’avance en guettant un signe. Je cherche un croisement étrange ou un arbre curieux, quelque chose qui allume une étincelle d’intérêt en moi. Mais rien ne vient.
Je poursuis ma promenade nonchalamment, le nez en l’air. Les pins des Landes, très hauts, s’entrechoquent lentement dans un léger bruissement. C’est apaisant, une sorte de quiétude m’envahit.
Je marche un moment pieds nus pour sentir le sable frais entre mes orteils, les baskets attachées autour du cou. Le sol s’est couvert d’aiguilles de pins qui me font grimacer à chaque pas. Je ressens ce qui m’entoure, chose qui ne m’est pas arrivé depuis longtemps.
Je réalise qu’il n’y a plus de sentier tracé, les fougères sont plus denses et il me faut plusieurs fois ouvrir le chemin avec une branche.
Je suis perdu.
Qu’importe, je me sens bien et continue sans plus aucun but. Juste l’envie de vivre cet instant et de le savourer.
Plus tard en renouant mes lacets, j’apercevrai un scintillement entre les branches. Je me laisserai guider par cette lueur salvatrice.
Une dune de sable à gravir comme un dernier don de soi et la plage apparaîtrait. Une langue de sable désertique, comme jamais foulée par l’homme. Un cadeau de la nature…
Gravière 43° 50' 08'' N - 1° 23' 47'' W
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